Image: Eloisa Lopez, via Reuters
Découvrez comment la présidence Rodrigo Duterte remet en doute le respect des droits de la personne aux Philippines dans l’analyse écrite par Maximilien Gachet, étudiant à la maîtrise en études internationales à l’Université de Montréal.
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Après six années de présidence Duterte et une semaine après l’élection de Ferdinand Marcos Jr. et Sara Duterte au pouvoir présidentiel, il est temps de dresser un bilan de l’état des droits de la personne dans l’archipel. Le 9 mai 2016, Rodrigo Duterte est élu président de la République des Philippines avec près de 40% des voix. Réputé pour son franc-parler, il fait de la lutte contre la corruption et le trafic de drogue le fer de lance de sa campagne. Duterte ne tarde pas à initier une politique populiste et bien plus autoritaire que ces prédécesseurs. Mais cela ne l’empêche pas de jouir d’une excellente réputation auprès de la population, dépassant les 70% d’approbation au début de son mandat. Bon nombre d’ONG et d’organisations internationales ont accusé le président d’avoir violé un nombre considérable de droits fondamentaux durant ses six années passées au pouvoir.
L’arrivée au pouvoir de Duterte, n’a pas simplement mis à mal les instances démocratiques nationales, elle a également porté un coup fatal aux respects de nombreux droits fondamentaux. L’attitude populiste du président reflète une vision autoritaire du pays, marquée par un mépris des institutions, des normes et pratiques libérales. Le président se démarque par son indifférence assumée à l’égard de la défense des droits fondamentaux dans le pays, « Oubliez les droits de l’Homme si je deviens président ça va saigner », avait ainsi déclaré le candidat Duterte en 2016. Ce mépris se reflète dans les initiatives du président, qui a tenté à plusieurs reprises de dissoudre la « Commission on Human Rights » (bureau constitutionnel indépendant), à coups de coupures budgétaires, d’ingérence et de menaces verbales à répétition.
La première de ses priorités est de mettre fin de manière radicale à la consommation et aux trafics de drogues dans son pays. La répression est officiellement initiée dès le début de son mandat, lorsque Duterte appelle à la « neutralisation » immédiate des trafiquants et des toxicomanes. Cette guerre va prendre une tournure ultra-violente et entrainer la mort de plusieurs milliers de personnes.
Les estimations quant au nombre de victimes causées par cette politique varient énormément d’une source à l’autre, allant de quelques milliers (6000 – 7000) selon les autorités nationales, à plusieurs dizaines de milliers de morts (12 000 – 30 000) selon la Cour pénale internationale.
Une guerre, qui avec les années s’est transformée en conflit contre les radicaux islamistes, des partisans communistes et même des opposants politiques. Des arrestations arbitraires ont ainsi pu être été constatées sur le territoire, à l’image de la sénatrice Leila de Lima, officiellement pour possession excessive et trafics de drogues. En réalité, il s’agissait surtout de l’une des personnalités les plus critiques à l’égard de la guerre anti-drogue.
Pour bon nombre d’avocats et défenseurs des droits fondamentaux cette guerre est fondamentalement inconstitutionnelle. Elle est décrite comme un acte génocidaire par plusieurs organismes internationaux à l’instar de l’ONU et de l’UE ou encore d’ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch. Ces institutions considèrent que les Philippines connaissent les pires violations des droits humains depuis la dictature de Ferdinand Marcos (1970-1980). Malgré les déclarations unanimes des organisations de défenses des droits de la personne à l’international, les organisations gouvernementales régionales sont quant à elles restées très silencieuses.
En 2017, le sud du pays déjà très instable fait face une flambée de violence et de mouvements insurrectionnels causés par la résurgence de plusieurs groupes islamistes, comme le groupe Maute. En réaction immédiate aux évènements de Marawi, théâtre d’une bataille sanglante opposant les forces armées des Philippines à des combattants islamistes (mai – octobre 2017), le président Duterte instaure la loi martiale sur l’île de Mindanao le 23 mai 2017. Bien que cette initiative se devait être temporaire (60 jours), il faudra attendre décembre 2019 pour que toutes les mesures soient abrogées. Pendant cette période, les habitants voient leurs déplacements limités, la suspension de l’ensemble des privilèges accordés par l’habeas corpus, une censure de la presse et des médias ou encore interdiction des manifestations et rassemblements publics.
Le pays n’aura connu qu’une brève suspension de la loi martiale, jusqu’aux mesures anti-Covid 19 extrêmement strictes, marquées par les arrestations arbitraires à l’égard des personnes ne portant pas le masque en extérieur, ne respectant les politiques de confinements, ou encore auprès des personnes non-vaccinées. En avril 2020, le président est également allé jusqu’à appeler les forces de l’ordre à tirer sur toutes personnes qui viendraient à enfreindre les mesures gouvernementales.
Cette présidence Duterte a reconfiguré le paysage de la société philippine, en raison de toutes ces violations des droits de l’Homme et la remise en cause des institutions fondamentales de la démocratie libérale. À quelques jours de l’élection présidentielle, (qui aura lieu le 9 mai 2022), Bongbong Marcos, fils de Ferdinand Marcos et secondé par Sara Duterte fait aujourd’hui figure de favori pour succéder au président sortant. Ce scénario n’est donc pas de bon augure en ce qui concerne un meilleur respect des droits fondamentaux dans le pays pour les années à venir.