L’excision des filles en Indonésie, enjeu sociétal à travers le pays

Image : Bongbong Marcos présentant ses promesses électorales le 12 février 2022, The Economist

Découvrez l’enjeu de la mutilation génitale féminines dans la région de l’Asie du Sud-Est en examinant la forme que prend ce phénomène en Indonésie en lisant l’analyse écrite par Juliette Breton, étudiante à la maîtrise en Affaires Publiques et Internationales à l’Université de Montréal

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De manière générale, les mutilations génitales féminines sont un phénomène peu couvert par les médias et la presse internationale et encore moins concernant celles qui se produisent en Indonésie. Pourtant, ces types de mutilations sont un enjeu majeur pour de multiples pays, notamment dans des régions comme l’Afrique, le Moyen-Orient ou l’Asie du Sud-Est. Celles-ci se présentent sous différentes formes et portent différents degrés de sévérités. Alors qu’en Afrique et au Moyen Orient il s’agit d’une ablation partielle ou totale du clitoris, en Indonésie la mutilation consiste en un perçage, retrait de peau ou encore un massage de curcuma.

L’observation des mutilations génitales féminines en Indonésie est particulièrement importante, car en plus de se différencier sur différents plans des pratiques d’autres régions du monde, l’évolution des pensées et la médiatisation de l’enjeu viennent changer la donne sur le sort que subiront les femmes.   

Dans la société indonésienne, les pratiques mutilantes sont présentes depuis des siècles. Si traditionnellement, il s’agissait d’une pratique performée traditionnellement par les femmes Khitan ou sunat perempuan avec des outils traditionnels, il s’agit aujourd’hui d’une pratique institutionnalisée et médicalisée. Le rituel est une célébration familiale qui est supposée débarrasser l’enfant des péchés, purifier les jeunes filles et limiter l’appétit sexuel. Originellement, ces pratiques proviennent de croyances religieuses et du Chaféisme qui valorise la circoncision chez les garçons et chez les filles, pratiques qui, au sein du Conseil indonésien des oulémas sont vues comme honorables et neutres. Notons que pour la plupart des organisations musulmanes rejettent cette pratique, affirmant que le Coran ne mentionne pas l’autorisation des mutilations génitales féminines. 

Malgré cette acceptation sociétale traditionnelle, le gouvernement indonésien avait au début des années 2000 tenté l’interdiction des mutilations génitales féminines, mais les autorités religieuses influentes du pays s’y étaient fortement opposées, entraînant ainsi l’échec de la mesure. Ensuite en 2010, le gouvernement avait restreint la pratique des mutilations à celles opérées sous couvert de procédures médicales, l’objectif régulatif étant de limiter les risques de stérilité, d’infections et de complications. Néanmoins, plusieurs cliniques d’accouchement proposent alors des forfaits incluant l’excision, tendant vers la banalisation de l’acte même en milieu médical. Finalement c’est en 2014 que le gouvernement indonésien a décidé d’abolir totalement cette réglementation – soit la médicalisation de l’acte, mais cela n’a pas eu d’effet claire sur le nombre de mutilations génitales féminines. 

En effet, les données chiffrées apportent un éclaircissement saisissant de la présence des pratiques mutilantes au sein de la société indonésienne.

« Selon une étude de 2003 du Conseil de la Population, dans 96 % des familles interrogées, les filles avaient subi une forme d’excision avant l’âge de 14 ans. »

En 2016, Meiwita Budiharsana, maître de conférences à l’Université d’Indonésie, écrivait que près de 60 millions de femmes qui avaient subi des mutilations génitales dans ce pays. Lors de la parution de l’article d’Agence France-Presse dans Le Point, les résultats étaient encore plus décourageants : dans la région de Gorontalo, 80 % des filles de moins de 11 ans étaient excisées et 50 % dans le reste du pays. Bien que cette pratique soit très présente dans les régions éloignées comme Gorontalo, les mutilations génitales féminines sont répandues à travers tout le pays dû au fait qu’il s’agisse d’un rituel religieux et non d’un rituel culturel indonésien malgré l’influence de la religion.

Depuis quelques années, plusieurs organisations musulmanes se mobilisent afin de faire interdire ce rituel considéré comme archaïque. C’est notamment par la formation et la sensibilisation que les familles sont amenées à évoluer quant à leurs croyances relatives aux mutilations génitales. Ce processus d’enseignement permet également de former une nouvelle génération plus sensible aux conséquences des pratiques mutilantes et plus à même de prendre des décisions qui ne modifieront ni ne meurtriront le corps des filles et femmes indonésiennes.